Du 2 au 4 mai 2018, les membres de la communauté laser se sont réunis à Aix-la-Chapelle pour la douzième fois à l’occasion du congrès international sur la technologie laser AKL. Plus de 660 participants issus du monde des fabricants et des utilisateurs de lasers industriels ont bénéficié d'un programme dense comprenant pas moins de 77 présentations, une cérémonie solennelle de remise des Prix de l’innovation en technologie laser 2018 ainsi que le lancement de plusieurs projets majeurs. En marge du congrès, des événements étaient destinés aux « novices du laser » (L'ABC de la technologie laser) ainsi qu'aux hommes d'affaires (Journée Technologie Business).
Une exposition parallèle patronnée par 56 grandes entreprises du secteur du laser était également organisée. Très vivant comme toujours, le hall d'exposition a permis aux différents experts de faire de nouvelles connaissances et d'échanger. Pour offrir encore plus d'informations techniques et favoriser les conversations, l’institut Fraunhofer pour les technologies laser ILT a ouvert son laboratoire « Lasertechnik Live », un événement portes ouvertes proposant plus de 100 démonstrations en direct au sein du plus grand centre d'applications laser d'Europe.
Prix de l'innovation décerné au module Multi-Spot pour soudage laser
L'un des temps forts du congrès AKL’18 a été la cérémonie de remise des Prix de l’innovation en technologie laser. Le dîner de gala ainsi que la cérémonie de remise de ce prix européen de recherche appliquée ont lieu tous les deux ans dans l'ancienne salle de couronnement de l'hôtel de ville d'Aix-la-Chapelle. Créé par le Cercle d’études Lasertechnik e.V. et l’Institut européen du laser (ELI), ce prix est doté de 10 000 euros.
Le premier prix de cette année a été remis à Axel Luft (Laserline GmbH) et son équipe pour leurs « Modules Multi-Spot destinés à améliorer les processus d'assemblage grâce à des géométries de spot individualisées ». Cette invention est née suite à un défi technique rencontré chez Volkswagen : en effet, si la surface des tôles galvanisées à chaud présente une qualité supérieure à la moyenne, la qualité du joint diminue lors du brasage au laser, la surface devenant rugueuse et les projections se faisant de plus en plus nombreuses dans les zones près des joints.
Afin de remédier à ce problème, une équipe composée d'experts de Laserline, Volkswagen et Scansonic a développé un module Multi-Spot comprenant une caméra optique permettant un soudage « spot-in-spot ». Volkswagen privilégie dorénavant le module triple spot pour les matériaux galvanisés à chaud dans la production en série, et 40 systèmes ont déjà été vendus.
Le deuxième prix a été décerné à une équipe dirigée par Gerald Jenke (Saueressig GmbH + Co. KG) pour le système d'« ablation laser ultrarapide multi-parallèle pour une production en série ultraprécise ». Enfin, le troisième prix est revenu à une équipe espagnole représentée par Alejandro Bárcena (Talens Systems S.L. Etxe-Tar Group). Son projet « RAIO DSS : système de contrôle de faisceau dynamique hautement flexible pour le traitement thermique au laser et les applications laser haute puissance associées » propose une nouvelle méthode souple pour personnaliser la géométrie des faisceaux laser. Ce système a été développé à l’origine pour personnaliser la trempe laser de composants automobiles.
Systèmes actuels de contrôle de processus : innovations et limites
Étalé sur trois jours, le congrès a commencé par deux symposiums spécifiques concernant le « Contrôle de processus » et la « Fabrication additive par laser ». Le contrôle de processus se doit de remplir plusieurs critères fondamentaux, notamment pour la production à grande échelle. Le premier aspect concerne le contrôle qualité, avec ses divers tests destinés à déterminer si certains paramètres, comme les dimensions des pièces à usiner, sont dans les limites de tolérance prédéfinies. Le contrôle qualité a lieu avant, pendant et après le processus. Thomas Grünberger, de l'entreprise plasmo Industrietechnik GmbH, a passé en revue dans un exposé une large gamme de capteurs destinés à cette tâche.
Dans un deuxième temps, les données ainsi recueillies peuvent être utilisées pour documenter tous les paramètres des pièces et des processus, et ce pour chaque composant et chaque joint de soudure. Parallèlement, comme l’exige le concept industrie 4.0, elles servent à surveiller la qualité, la cadence et les opérations de maintenance tout au long de la production.
Lors de sa présentation sur les applications d'assemblage, Michael Ungers, de la société Scansonic MI GmbH, a démontré qu'il existait un troisième champ d'application pour les systèmes de contrôle de processus, à savoir l'optimisation des processus. Suivant les écarts mesurés par rapport aux paramètres ciblés, le système de contrôle de processus modifie les paramètres du processus jusqu'à obtention d'un optimum. Par cette procédure d’apprentissage, on obtient un jeu de paramètres de processus optimal, qui est alors stocké dans la machine pour servir de mise à niveau logicielle. Il s'avère qu'une telle optimisation en boucle fermée fonctionne bien dans les processus d'assemblage de métaux.
Si le contrôle de processus en boucle fermée se prêterait parfaitement à la fabrication additive (FA), cette solution n’est pas encore d’actualité et constitue donc l'un des enjeux majeurs de ces prochaines années. Avec une croissance d'environ 70 pourcent en parts de marché l’an dernier, la fabrication additive a fait un grand pas vers la production en série. La nouvelle BMW i8 Roadster, première voiture comportant des éléments réalisés grâce à la FA et qui était en exposition au congrès, illustre parfaitement cette tendance. Maximilian Meixlsperger, responsable FA chez BMW, a indiqué dans son exposé que, jusqu'à 60 000 pièces, la FA était plus économique que le moulage sous pression.
Réflexions des quatre acteurs majeurs du laser sur les futurs marchés
La conférence sur la technologie laser, organisée les 3 et 4 mai, portait sur trois grands sujets : le macro-usinage et le micro-usinage laser de matériaux ainsi que les sources laser. La conférence a débuté par la session plénière « Gerd Herziger », baptisée du nom du fondateur de l’institut Fraunhofer ILT. Au cours de cette dernière, les participants ont bénéficié d’informations stratégiques sur la technologie laser.
Cette année, elle a commencé sur « Take Five », la célèbre mélodie de Dave Brubeck. Le directeur de l'institut, Reinhart Poprawe, avait demandé aux quatre intervenants de présenter chacun cinq éléments clés pour l'avenir de la technologie laser industrielle. Peter Leibinger (TRUMPF GmbH + Co. KG) a souligné que la rudesse de la concurrence stimulait l'innovation. Celle-ci ayant été l'une des clés du succès de TRUMPF par le passé, il pense que son entreprise pourra reconquérir grâce à elle la place de plus grand fabricant de laser au cours des prochaines années.
Mark Sobey, directeur de COHERENT Inc., société actuellement leader du marché, a esquissé une image relativement optimiste du futur du secteur du laser : les marchés des smartphones et des voitures intelligentes présentent en effet des opportunités d'un montant de plus de 1 milliard de dollars pour la technologie laser. Evgene Scherbakov (IPG Laser GmbH) a quant à lui dévoilé la clé de son succès, à savoir l'intégration verticale. Pour conclure, Qitao Lue (Han's Laser Technology Industry Group Co., Ltd.) a présenté le marché chinois du laser, qui constituera pour lui à la fois le plus grand défi et la plus grande opportunité pour les fabricants de laser.
Des lasers uniques pour des machines de découpe d’exception
Les trois grands volets de la conférence ont fait ressortir un grand nombre d'innovations du domaine de la technologie laser. Si le marché du laser continue d'afficher des croissances record, l'intérêt s'est peu à peu détourné des sources laser pour se centrer sur la technologie de processus et les applications. Comme l'a souligné Reinhart Poprawe dans une session spéciale destinée à tous les participants, les exigences d’augmentation de la productivité conduisent à une intensification de la numérisation, voire une production photonique entièrement numérique.
Le domaine des sources laser a malgré tout donné lieu à une multitude d'innovations remarquables, en particulier les solutions de lasers à diode haute puissance et de lasers à impulsions ultracourtes (IUC). Si les lasers à IUC ont été développés dans des plages d'environ 50 watts, Clemens Hönninger (Amplitude Systèmes) et Torsten Mans (AMPHOS GmbH) ont souligné que des versions plus puissantes de plusieurs centaines de watts sont attendues très rapidement dans la production en série.
Les nouveaux systèmes de laser à diode bleue ont été présentés par Volker Krause (Laserline GmbH). Grâce à l'aide financière du Ministère allemand de l'Éducation et de la Recherche (BMBF), Laserline a coopéré avec OSRAM et d'autres partenaires pour développer un système laser à onde continue couplé à une fibre, d'une puissance de sortie de 1 kW. Avec une longueur d’onde de 450 nm, le rayonnement de ces lasers est bien mieux absorbé par le cuivre que celui des lasers à fibre ou à disque, à des longueurs d’onde de 1 μm. Laserline se concentre donc essentiellement sur le soudage du cuivre. L'eau étant un très bon conducteur de la lumière bleue, ce système pourrait présenter certains avantages pour l’exploitation en immersion de systèmes laser guidés par jet d'eau.
Les applications les plus fréquentes dans le domaine de la technologie laser industrielle sont la découpe et le soudage. Toutefois, ces utilisateurs souhaitent une productivité et une vitesse de traitement accrues. Izuru Hori (Honda Engineering Co., Ltd.) a parfaitement illustré cette tendance. En coopération avec l'institut Fraunhofer ILT, Honda a développé une technologie de découpe à haute vitesse capable de réaliser jusqu'à 19 000 tôles par jour pour le secteur automobile, soit 40 km de tôles plates. Ce système utilise un portique spécial dans lequel deux servomoteurs de 8,5 kW déplacent la tête de coupe avec une accélération pouvant atteindre 10 g. « Notre système coupe également de grandes plaques latérales sur une longueur totale de 9 mètres en 7 secondes », a expliqué M. Hori à Aix-la-Chapelle. Grâce à ce nouveau système, Honda a été en mesure d'atteindre une vitesse de coupe allant jusqu'à 300 m/min, avec à la clé une productivité décuplée.
L'une des dernières sessions traitait un sujet d'avenir présent sur toutes les lèvres, en l'occurrence les technologies quantiques. Et dans ce secteur, la détection quantique suscite beaucoup d’intérêt. Robert Rölver (Robert Bosch GmbH) a présenté les activités de Bosch dans ce domaine, en particulier celles concernant l'utilisation de centres azote-lacune (NV) du diamant. Des magnétomètres à centre NV font d'ores et déjà l'objet d'essais et leur sensibilité unique aux courants de faible densité les prédestine à un grand nombre de nouvelles applications techniques et des sciences de la vie.
Le pôle d'excellence de Fraunhofer développe un laser femtoseconde de 20 kW.
Les lasers femtoseconde et les lasers à impulsions ultracourtes (IUC) en général, objets de recherche fondamentale en établissements universitaires depuis très longtemps, constituent désormais une technologie industrielle fiable. Alors que la technologie des sources d’une puissance de plusieurs 100 W continue d’évoluer, un groupe de 12 instituts Fraunhofer s'est fixé pour objectif de faire entrer la technologie des sources laser et celle des processus dans une nouvelle dimension.
Un nouveau pôle d'excellence baptisé « Advanced Photon Sources » a été officiellement inauguré parallèlement au congrès AKL'18. L'objectif est de développer une nouvelle génération de lasers IUC d'une puissance pouvant atteindre 20 kW d'ici 2022. Représentant un montant total de 20 millions d'euros, ce projet est placé sous la tutelle de l’institut Fraunhofer pour les technologies laser ILT et de l'institut d'Optique appliquée et d'ingénierie de précision IOF. Les deux structures ont uni leurs forces pour développer les lasers et mettre à disposition deux laboratoires d'application à Iéna et Aix-la-Chapelle, où 10 autres partenaires peuvent d’ores et déjà tester et optimiser leur technologie en matière d'applications.
Lancement du « Centre de recherche de production photonique numérique I3 »
Au soir du 3 mai, Reinhart Poprawe, titulaire de la chaire de technologie laser (LLT) de l'Université technique de Rhénanie-Westphalie d'Aix-la-Chapelle RWTH et directeur de l'institut Fraunhofer ILT, a lancé au sein du centre de recherche « I3-RCDPP » une nouvelle forme de coopération universitaire interdisciplinaire qui devrait faire des émules. À l'institut interdisciplinaire de l’innovation, I3, des chercheurs issus de 17 instituts de 6 facultés de l'Université RWTH étudieront ensemble la manière d’exploiter les caractéristiques physiques uniques du photon pour la production de demain.
Dès l'automne 2018, un bâtiment de recherche financé par l’État allemand et le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie abritera sur plus de 4 300 m² de laboratoires et de bureaux environ 80 chercheurs venant de ces instituts. Le travail de recherche des équipes interdisciplinaires du centre I3-RCDPP vient compléter le programme du campus de recherche dédié à la production photonique numérique DPP, qui est financé par le BMBF et géré dans le bâtiment industriel DPP voisin, ouvert en 2016 grâce à des fonds privés.
Ces deux établissements au sein du cluster photonique du campus de l'Université RWTH renforcent l'approche applicative des instituts Fraunhofer qui ne sont qu'à quelques minutes à pied. Lorsqu'il partira à la retraite l'an prochain, Reinhart Poprawe laissera des infrastructures bien développées ainsi qu'une équipe équilibrée d'experts en recherche fondamentale et en recherche appliquée prêts à développer de manière efficace des solutions photoniques répondant aux exigences interdisciplinaires du XXIe siècle.
Organismes de soutien
Organisé depuis 1995 par l’institut Fraunhofer ILT, le congrès international sur la technologie laser AKL'18 bénéficie du soutien de la Commission européenne, du consortium européen des industries de la photonique (EPIC), du cercle d’études Lasertechnik e.V., de l’institut européen du laser (ELI), d’OptecNet Allemagne et des associations industrielles SPECTARIS, VDA, VDMA et VDI, qui ont tous inspiré ce projet.
Les membres de la communauté laser sont invités à de nouveau se réunir à Aix-la-Chapelle, du 6 au 8 mai 2020, dans le cadre du congrès AKL'20.
Galerie photos du congrès AKL’18 : www.lasercongress.org/en/congress/gallery
Vous trouverez des photos et des informations plus détaillées sur le Prix de l’innovation en technologie laser sous www.innovation-award-laser.org.